L’ére MEIJI : LE JAPON DANS LA TOURMENTE ET LA MODERNITE (1868 – 1912).

COMMENT LE JAPON A ECHAPPE A LA COLONISATION DES PAYS OCCIDENTAUX, ET A SAUVEGARDE SA LIBERTE ET SA DIGNITE.

(Conférence donnée par Louis MELENNEC, docteur en droit et en médecine, historien; le lieu et le date de la conférence seront communiquées ultérieurement. Le thème donnera lieu également à une émission sur les ondes de Lumière 101, dans le cadre des émissions de Louis Mélennec).

L’ère MEIJI – du nom de l’empereur MATSUHITO désigné sous ce titre après sa mort- est l’une des périodes les plus passionnantes de l’histoire du Japon, et l’une des plus étonnantes de l’humanité. Elle se déroule en moins de cinquante ans, et se traduit par une véritable métamorphose de toute une société, que l’on ne s’attendait pas à voir parcourir une trajectoire aussi spectaculaire en un temps aussi bref.

En cette deuxième moitié du 19 ème siècle, comme tous les pays asiatiques, le Japon vit sous un régime féodal.

Le pouvoir militaire et civil est détenu , par une sorte de tyran héréditaire, le Shogun (littéralement: le généralissime), dont la famille, deux siècles et demi auparavant, a ravi à l’Empereur (le « Tenno », parfois dénommé « Mikado »), toutes ses attributions temporelles. Ce dernier, personnage prestigieux et sacré, est confiné dans des fonctions religieuses et symboliques, dans sont palais de Kyoto, invisible au public, mais interdit de toute action politique. Ses moyens matériels son modestes par rapport à ceux du Shogun, véritable potentat, qui mène une vie somptueuse à Edo.

Les hauts princes de l’Empire (les « daimyo », plus ou moins équivalents de nos anciens ducs et comtes, suzerains locaux à la tête de Principautés d’étendue variable), ont été peu à peu réduits à l’obéissance par le shogun, qui les oblige à vivre plusieurs mois de l’année dans sa capitale, pour mieux les surveiller, et étouffer toute tentative de soulèvement de leur part. Tout comme la haute noblesse du régime instauré par Louis XIV en France, qui ne tolère pas que les puissants de son royaume puissent résider loin de Versailles ou de Paris.

Mais le ciel s’obscurcit. Les Européens et les Américains, qui ont conquis ou envahi une partie du monde – en particulier les Indes, les Etats de la péninsule Indochinoise, la Chine, la Sibérie …), ne cachent pas leur convoitises à l’égard du Japon, pays réputé riche, mais jusqu’alors préservé des invasions. Les navires de guerre de l’amiral Perry, qui sillonnent l’océan Pacifique, se sont montrés à plusieurs reprises aux Japonais effrayés, de telle sorte que les Etats Unis ont réussi à imposer un traité au Japon, en 1853, leur donnant accès au commerce et à divers avantages.

C’est alors que se produisent, contre toute attente, une série d’évènements surprenants.

Le seul recours devant le danger paraissant résider dans la personne de l’empereur, le shogun, non sans avoir tenté de rester au pouvoir, se désaisit de ses fonctions entre les mains du jeune empereur, né en 1852, intronisé en 1867, ce qui fait de lui, avec ses conseillers, le maitre absolu du pays. MATSUHITO est âgé de 14 ans.

Ayant compris que le salut du Japon ne peut que résider dans sa modernisation rapide, l’empereur fait une proclamation solennelle, et décide d’envoyer dans tous les pays modernes du monde, des conseillers, des diplomates, des experts. Mission: ramener au Japon tout ce qui existe de mieux dans ces pays, pour tenter de modifier de fond en comble le japon, le moderniser à marche accélérée, avant qu’il ne soit trop tard.

En effet, en un temps record, tout est bouleversé:

– le shogunat est aboli (en 1868); l’empereur devient le pivot central du pouvoir; tout doit lui obéir, et lui obéit effectivement;
– les princes abandonnent leurs privilèges, et font « don » à l’empereur et à l’Etat de leurs propriétés et de leurs biens;
– la caste militaire (les « samourais »), perd ses avantages et son statut;
– le pays se dote d’une armée et d’un marine modernes;
– un enseignement d’Etat obligatoire est institué;
– des manufactures et usines sont créées en grand nombre; une partie des populations rurales émigre vers les villes;
– les échanges commerciaux sont libérés; rapidement, le Japon exporte sa production industrielle;
– l’agriculture est modernisée; – un réseau ferroviaire, un système bancaire sont créés;
– la justice est réformée, sur le modèle occidental; – des traités sont signés avec le Etats Unis, la Hollande, la Grande Bretagne, la France…
– une constitution est promulguée (en 1889), avec création d’un Parlement, d’une chambre Haute, d’une chambre Basse, sur le modèle anglais;
– une doctrine d’Etat (une Religion, plutôt) est créée, donnant cohérence à tout l’édifice, dont le sommet est l’empereur, qui devient l’objet d’un culte officiel;
– les japonais sont incités à adopter certaines coutumes et moeurs occidentales, comme le vêtement. Pour donner l’exemple, l’empereur revêt l’habit des Européens, chamarré de décorations qui évoquent celles de nos chefs d’Etat et celles de leurs dignitaires; mieux: il voyage en chemin de fer! ….

Le Japon se lance dans une politique militaire « musclée », à l’image des pays occidentaux, qui sont à l’apogée de leurs conquêtes coloniales. En 1876, un traité est imposé à la Corée; en 1895, les navires japonais détruisent la flotte chinoise; en 1905, l’imposante flotte russe est détruite à son tour, à la stupéfaction du monde; en 1910, la Corée est soumise, et exploitée d’une manière systématique ….

S’agit-il d’un « progrès » pour la société japonaise? Certains le contestent encore, en 2008. Le prix payé par la population, en effet, est très lourd. Le nouveau régime est loin d’être démocratique. Déjà enserré dans des traditions millénaires très contraignantes, les nouvelles règles de vie imposées par ces transformations accroissent les obligations sociales et civiques des Japonais. De nouvelles guerres, dramatiques cette fois, vont se produire dans un avenir proche.

Lorsque meurt l’Empereur MEIJI, en 1912, le Japon a, au prix de sacrifices inouis et d’une volonté de fer, accompli un tour de force inimaginable, dont il n’existe peut être aucun autre équivalent dans l’histoire du monde. Une nouvelle puissance mondiale est née. C’est la première du monde asiatique. La Chine sombre dans un des désastres les plus cuisants quelle ait connus, pour n’avoir pas su, comme les japonais, renoncer aux traditions qui, en ces temps d’accélération de l’histoire, sont manifestement périmées, pour qui veut survivre.

L’empereur MEIJI est considéré par le peuple japonais comme l’un de ses plus grands héros.

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