Le présent article est en cours d’élaboration; il est commencé le 1 er février 2009. Les principaux éléments qui y sont contenus figureront dans le « LIVRE BLANC SUR LA BRETAGNE », qui s’écrit actuellement, et qui comporte un chapitre important sur la Souveraineté de la Bretagne au Moyen age.
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1 – LE CHATEAU DES DUCS SOUVERAINS, ET L’EXPOSITION DE 2007 SUR ANNE DE BRETAGNE : UN RENDEZ-VOUS COUTEUX, MAIS RATE .
Je ne peux penser sans chagrin et sans indignation à l’occasion manquée que fut la triste exposition de Nantes, en 2007, consacrée à « Anne de Bretagne, une histoire, un mythe ».
La restauration du Palais de notre dynastie ducale mérite plus que des compliments : l’ édifice, superbe, frappe d’admiration les yeux du visiteur; c’est incontestablement l’une des plus belles résidences des Souverains européens de l’époque. Plus rien à voir avec la bâtisse grise, aux façades en lambeaux, se détachant par plaques, que je découvris lorsque, jeune homme, encore ignorant de l’histoire de la Bretagne, je vins à Nantes commencer mes études de médecine. Ce vieil édifice vermoulu n’avait alors rien qui pût séduire : même si l’on en connaissait vaguement l’origine, on n’avait guère envie de savoir par qui, comment, pourquoi, il avait été construit, pas davantage qu’on ne pouvait imaginer que ce château, et ceux qui le précédèrent dans la même enceinte, furent le siège d’une vie diplomatique très intense, l’un des épicentres politiques de L’Europe, en même temps que d’une vie de Cour fastueuse.
L’envie d’en savoir plus – beaucoup plus -, avec la renaissance éclatante de l’identité bretonne, est revenue. On va comprendre plus loin pourquoi les ducs de Bretagne ont été en situation de bâtir une demeure aussi royale, du temps de leur splendeur, et ce qu’elle a signifié.
Les objets réunis lors de cette exposition au premier étage – tableaux, peintures, manuscrits, enluminures, monnaies, médailles, reliquaires … sont d’une richesse et d’une beauté admirables. Les compliments ne sont pas assez vifs pour remercier les musées, les conservateurs, les bibliothèques, les institutions et collectionneurs privés … qui ont rendu cela possible. Bien sûr, je les connaissais presque tous, pour les avoir vus dans des expositions et musées divers – parfois dans des catalogues , ou chez des particuliers (les monnaies du numismate Daniel Cariou étaient exposées là, je crois, pour la première fois). Il y eut aussi, dans un passé récent, les magnifiques expositions de l’Abbaye de Daoulas, en 1991, et du Musée Dobrée, en 1992, qui donnèrent lieu à l’édition d’un catalogue superbe, qui mériterait de figurer dans toutes les bibliothèques bretonnes.
Pourquoi avoir gâché tout cela par le parti pris monstrueux de rabaisser au plus bas ce que fut notre Pays du temps de son indépendance, et le travail souvent admirable accompli par notre monarchie et les Institutions bretonnes du temps que la Bretagne était Libre, et respectée de toute l’Europe ?
Y-a-t-il eu un parti pris délibéré d’escamoter l’histoire nationale de la Principauté Haute et Noble de Bretagne ? Sans aucun doute : on sait que la municipalité de Nantes – une partie des conseillers municipaux, du moins – s’efforce à tout prix de maintenir hors d’eau cette région moribonde née d’un vol : le détachement de la région la plus chère au coeur des Bretons, en 1941, par le régime collaborationniste installé à Vichy par les Français lors de l’invasion nazie.
Nous croyons savoir – c’est un secret de Polichinelle -, que la conception de l’exposition a, largement, été placée sous l’influence d’historiens (d’aucuns disent : D’UN historien) qui, nés hors de Bretagne (ce qui n’est pas une tare, les travaux admirables de l’admirable Michael Jones démontrent que des étrangers peuvent s’attirer la reconnaissance éternelle des Bretons), n’étaient pas les mieux placés pour « sentir » de l’intérieur l’impact considérable, qui touche au plus fort les fibres bretonnes qu’implique les entreprises de cette nature. Ce type de manifestation ne peut consister en un vulgaire étalage d’objets dans des vitrines, sans âme et sans esprit, fussent-ils en or, en argent, ou en pierres précieuses. Par définition, il ne peut s’agir que d’ une page d’amour du grand livre que les Bretons tissent avec leur Patrie, leur Pays, depuis quinze siècles (onze siècles et demi pour Nantes et Rennes). Quiconque ne ressent pas cela, ne peut faire que du travail mesquin. Ce fut le cas. Techniquement réussie, quant aux richesses réunies dans ce lieu exigu, ce fut un énorme fiasco historique et affectif. Privé de tout commentaire intelligent, cela tenait largement du bric-à-brac, voire du marché aux puces, même si les puces qui garnissaient les vitrines étaient des objets précieux.
La Bretagne toute entière avait matière à se réunir là, religieusement, en prémisse à ce qu’on sait maintenant inéluctable : la réintégration de ce fragment de Tibet breton dans la Matrie bretonne.
Les faits historiques qui suivent ne sont pas seulement destinés aux quelques milliers de visiteurs de l’exposition, qui ont certainement oublié la nullité du texte sempiternellement diffusé par un haut parleur au rez de chaussée, tendant à démontrer qu’Anne de Bretagne n’était rien, qu’elle n’a rien été, qu’une sorte de grosse paysanne au teint bistre, aux grosses lèvres, au front fuyant – témoin, sûrement, de son inintelligence, eu égard au faible volume de son cerveau, selon les « concepteurs » de cette « vision » – , bref, un personnage insignifiant en tout, et qui, selon un improbable « metteur en scène » de théâtre, interviewé pour les besoins de ce conte fantasque, vivait dans un lit …. pour, peut être – ce n’était pas dit, mais suggéré -, « s’envoyer en l’air » (Pardon, madame Anne de Bretagne! L’incongruité de certains êtres veules peut n’avoir pas de limites. En a-t-il fallu du vice, tout de même, pour tomber si bas, plus bas que le caniveau !).
Le public se serait passionné pour la présentation des rois et du royaume de Bretagne Armorique, puis du Duché, de leur puissance et de leur rayonnement en Europe … Puis de l’invasion du Pays par les armées françaises. Puis de l’anéantissement des Institutions politiques du Duché …. Les Bretons des cinq départements eussent loué des autocars pour venir goûter ce spectacle, et se resourcer dans leur vraies origines.
De tout cela, il ont été sevrés.
On m’a dit, plus d’une fois, que la personne qui a inspiré ce texte, bien qu’ayant réalisé des travaux historiques estimables sur les cimetières bretons au 17 ème siècle, sujet dans lequel elle s’est attirée une juste notoriété – quel dommage, oui quel dommage qu’ils n’aient été lus par personne! Car la connaissance des dimensions des calottes crâniennes des bas-Bretons (surtout au 17 ème siècle !) -, dans les ossuaires de Sizun, Pleyben et autres lieux, qu’on le veuille ou non, fait partie de la culture universelle -, et prédispose, CQFD, à disserter ensuite d’une manière très savante sur les institutions féodales, et sur le statut des Etats médiévaux), ne connait rien de la littérature historique antérieure à 1500, ce qui expliquerait cette interprétation « révisionniste » de l’histoire bretonne, remplaçant les faits inconnus par de l’idéologie. Je ne sais si cette interprétation des faits, qui m’a été rapportée et répétée, est entièrement vraie. En tout cas, l’idéologie n’est pas l’histoire.
D’où ce résultat désastreux : une exposition de chef lieu de canton, là ou il était question de l’histoire d’une Nation, et d’un pays envahi et détruit par les armées ennemies. Comme si le merveilleux musée du Louvre était censé ne concerner que le 1 er, le 2 ème, et le 3 ème arrondissements de Paris. Même réunis, cela fait un territoire petit et mesquin.
Je livre à votre appréciation cette formule, que j’aimerais avoir inventée : cette exposition ne fut pas seulement révisionniste, elle fut, effaçant par des commentaires effarants le passé prestigieux de la Principauté de Bretagne, NEGATIONNISTE.
La mairie de Nantes est-elle maintenant consciente qu’elle a été bernée ? On me dit que oui. les Bretons aussi. La prochaine fois, la ville agira bien en choisissant mieux ses collaborateurs, afin d’éviter de cautionner une imposture inutile.
A combien se monte l’addition?
Touchez pas trop à Anne de Bretagne ! C’est dangereux. Cinq siècles après sa mort, elle est et reste la meilleure « pote » des Bretons ! Se livrer à cet exercice périlleux peut se retourner comme une catapulte, avec fracas.
Nota bene. Dans la librairie qui se trouvait à l’entrée de l’exposition, j’ai remarqué – nous sommes nombreux à l’avoir observé – l’absence du seul livre foncièrement honnête écrit ces dernières années sur Anne de Bretagne, publié à plusieurs reprises par les Editions perrin : celui de mon ami Philippe TOURAULT, éminent universitaire et chercheur, qui enseigne à Angers.
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II – LA PUISSANCE DES DUCS DE BRETAGNE A TRAVERS LES ALLIANCES DYNASTIQUES AVEC LES MAISONS REGNANTES D’EUROPE .
La manière d’écrire l’histoire a changé. Il y a peu, une génération entière d’ « intellectuels » a décrété que les actes et faits des Princes n’ont plus aucun intérêt, pas davantage que les dates et la chronologie, pas davantage que les guerres et les batailles qui peuplaient les livres d’histoire il y a seulement 50 ans. L’inculture a été promue comme le nouveau critère de l’intelligence : les élèves devant « tirer d’eux mêmes leurs propres connaissances », d’une part, les manuels scolaires et universitaires étant le résultats de « l’accumulation de données sécrétées par et pour la classe dominante et exploitante, afin de se reproduire en son sein, comme les amibes », il était considéré comme nocif d’infuser ces choix destructeurs, voulus comme tels, dans les jeunes cervelles, à peine de les détruire et de les conditionner à un ordre social pernicieux. (Aujourd’hui, ces thèses sont désignées sous le nom de « bourdieuseries », du nom de leur principal initiateur).
Cela a conduit à des résultats étranges. Un élève m’a demandé une fois si Vercingétorix était né avant ou après Louis XIV. Un musicien connu m’a avoué qu’il ne savait pas dans quel ordre classer les pièces qu’il devait interpréter, vu qu’il ne savait pas lequel, de Monteverdi ou de Verdi avait précédé l’autre dans l’histoire de la musique. Pétri de culture « bourgeoise », j’ai pu, pour cette fois, le « dépanner ». C’est le bon Jacques Martin, je crois, qui a posé au cours de son émission du Dimanche cette question époustouflante :
» Messieurs les candidats, voici maintenant une question TRES difficile : avec quel pays la France a-t-elle des frontières communes ? Premièrement : la Chine; deuxièmement : l’Afrique du Sud; troisièmement : le Mexique ? » (Je ne suis plus très sûr du nom des pays choisis, mais c’était à peu près celà).
Il reste que la culture « bourgeoise » – celle qu’on enseignait de mon temps au lycée de Quimper, puis dans les facultés de Nantes, puis dans les facultés de Paris, la Sorbonne, l’Ecole des Chartes etc., est fort utile pour écrire l’histoire de la Bretagne, et la commenter. Ainsi, j’ai appris à écrire mon nom, mon prénom, ma date de naissance; je sais calculer, compter au delà de dix, composer une dissertation, écrire un article, un livre, argumenter, etc. C’est aussi grâce à cette culture que je connais l’orthographe – française, hélas pas l’orthographe bretonne.
Qu’on me pardonne donc de me servir ci-après des archives de la Bretagne royale et ducale, pour expliciter, par un autre chemin, ce qu’elle a été et ce qu’elle est. Une Nation, un Pays, c’est un présent et un futur. Mais on ne construit rien sur du vent. Le point commun à tous les Bretons, ce qui fait ce qu’ils sont ce qu’ils sont, c’est avant tout qu’ils ont vécu la même histoire pendant de très longs siècles. L’histoire partagée et vécue ensemble constitue les FONDATIONS sur lesquelles l’édifice est construit.
Quelques surprises nous attendent ici.
Le présent article est « technique », mais très important.
J’ai entrepris, on le sait maintenant, de démontrer que l’histoire qui figure dans de nombreux ouvrages, est édulcorée, émasculée, transfigurée, au point que, même si les dates, la chronologie, les faits, les personnages sont réels et le plus souvent justes, l’interprétation qu’on en a donnés sont faux, sur des points essentiels. Répétons le – il sera toujours indispensable, pendant quelque temps encore de redire la même chose : les Bretons sont arrivés en Armorique AVANT que les Francs ne s’avancent en Gaule; l’installation des Bretons en Armorique a PROBABLEMENT été pacifique, en tous cas peu violente; les peuples breton et francs sont radicalement différents; ils l’ont été, ils le sont; ils le resteront; le peuple breton n’est, ni de près, ni de loin, un « prolongement », une « fraction », une « composante » du peuple français… (cette pauvre Nation corse est qualifiée, ridiculement, de « composante » du peuple français); LA BRETAGNE, au moyen age, N’A JAMAIS FAIT PARTIE DU ROYAUME DE FRANCE, pays étranger et ennemi, presque toujours détesté; les expéditions militaires françaises de 1488 et de 1491, ont été des invasions sauvages, condamnées par le droit international de l’époque; le prétendu « traité de Réunion de la France et de la Bretagne », promulgué UNILATERALEMENT par un « édit » français (= une loi), est une mascarade montée par la Chancellerie française, en aucun cas un traité; le fameux « HOMMAGE », prêté par ducs de Bretagne, depuis le début du 13 ème siècle, ne traduit en aucun cas une « subordination » de la Bretagneà l’égard du roi de France, mais une alliance comportant pour les DEUX PARTIES CONTRACTANTES des obligations symétriques…
Un point très important du travail travail de l’historien consiste à convaincre les Bretons que la vision très péjorative qu’on leur a inculquée, explicitement ou implicitement, de leur pays du temps qu’il luttait victorieusement contre les tentatives répétitives d’empiètement de la France sur ses droits, est fausse. La Bretagne a été une des principales puissances européennes avant d’être envahie par la France. La Bretagne, PLOUKISTAN OCCIDENTAL DE L’EUROPE, est le fait, non d’une incapacité des Bretons à se hisser ou à se maintenir à un niveau élevé de prospérité économique, MAIS LE RESULTAT DE LA DOMINATION DU PAYS par la France, et de son exploitation comme colonie : la descente aux enfers de la Bretagne depuis cinq siècles est le fait de la France, en aucun cas des Bretons.
Il peut paraître superflu de savoir comment et avec qui les princes et les princesses bretons se mariaient au moyen age. on va voir, au contraire, que c’est un problème central, pour démontrer ce qu’il représentent parmi les puissances du temps. ce qu’on va lire est tout à fait surprenant.
L’une des règles importantes, à toutes les époques de l’histoire – il existe des exceptions – est que les unions matrimoniales, lorsqu’elles sont négociées et préméditées entre familles, est que les époux doivent appartenir à des lignées comparables en puissance, en richesse, et, lorsque le problème se pose en ces termes, en noblesse et en ancienneté d’ascendance. La règle est stricte dans les familles souveraines européennes : les bergères , n’épousent les princes et les rois que dans les contes. une autre règle, surprenante pour nos mentalités modernes, est que les mariages sont souvent une clause importante des traités de paix, lorsque des pays ont été en guerre les uns contre les autres. Les unions matrimoniales ont une fonction sociale inter-étatique : outre le fait de renforcer les Etats concernés par les alliances qu’ils contractent, tenter de maintenir entre eux la paix lorsqu’ils ont été ennemis, et d’éviter que la guerre ne reprenne son cours dans le futur.
Nous allons voir, non sans quelque surprise si l’on considère la dévalorisation phénoménale induite et provoquée par la France concernant la Bretagne, que du 9 ème au 16 ème siècles , la Dynastie bretonne se situe, d’une manière constante, au cercle très hermétique des familles régnantes européennes, qui se marient quasi-strictement entre elles.
a) Alliance avec la dynastie carolingienne. Jusqu’à Nominoé, « dux » (c’est à dire chef militaire) de toute la Bretagne, qualifié à deux reprises de « rex » (c’est à dire roi) par deux documents contemporains de son règne (l’un émanant de l’abbé Réginon de Prüm, l’autre du pape ……), il ne semble pas y avoir eu de mariages entre les familles régnantes bretonnes (rappelons que la Bretagne, avant Nominoé, est divisée en plusieurs « principautés » et « royaumes », dont ceux de Judicael et de Murman, royaumes prouvés par les documents) et les familles mérovingiennes ou carolingiennes. En revanche, ERISPOE, fils de Nominoé, roi de bretagne à la mort de son père, en 851, ayant battu le roi franc Charles le Chauve cette même année, à Jengland-Beslé, et acquis par sa victoire les comtés de Rennes et de Nantes et le pays de Retz, devenu un personnage considérable, convient avec le roi franc d’un mariage de leurs enfants :en 856, il est décidé par les deux souverains que la fille du roi breton Erispoé épousera Louis (le futur Louis le Bègue) fils du roi franc Charles. Chose étonnante, d’après les archives, le roi breton, en faveur de ce mariage, fait don du royaume de Neustrie (grosso modo : la Normandie) à son futur gendre, qui reçoit de son père la possession du duché du Maine. Ce mariage ne se fera pas. Mais cette seule promesse situe les rois de bretagne à un rang extrêmement élevé (Chedeville et Guillotel, page 292). La dynastie carolingienne disparaît bientôt, remplacée par la minuscule dynastie capétienne en 987. La dynastie bretonne fondée par Nominoé a de longs siècles, et de très nombreuses alliances prestigieuses devant elle.
(A suivre).